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L'ombre du mûrier et le caillou

Come and get your love - Unknown Artist
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   Au bord d’une route de la province de Ouïgour se trouvait un caillou délaissé par les intempéries quotidien. A une centaine de mètre de ce dernier Luoying marchait d’un pas léger sur le chemin poussiéreux. Celui-ci allait ainsi, de village en village, travaillant çà et là pour gagner sa misérable vie. Il n’y avait pour toute autre fortune que deux pièces d’argent cachées dans sa ceinture.

Il faisait très chaud ce jour là... En passant près du caillou, il remarqua en frappant dans celui-ci un magnifique mûrier près de l’entrée d’une riche demeure, son ombre s’étendait jusqu’au pauvre caillou.

 

  - Je vais me reposer un peu à l’ombre, se dit Luoying.

 Il s’allongea sur l’herbe du talus pris le caillou dans ses mains et le plaça dans son ceinturon. Il croisa les mains derrière sa tête et ferma les yeux. Il allait s’endormir quand il entendit crier:

  - Oula, misérable! Je te défends de dormir ici!

 Luoying ouvrit les yeux Devant lui se tenait un homme, sans doute le propriétaire de la maison.

  - Allez, file d’ici, et en vitesse! Répéta celui-ci.

 Luoying s’étira:

  - M’en aller? Soupira-t-il. Et s’il me plaît de rester ici? Le chemin est à tout le monde...

  - Ce mûrier, c’est moi qui l’ai planté, rétorqua le riche bourgeois. Son ombre m’appartient. Fiche le camp!

 Luoying réfléchit un instant en tripotant le caillou, il eu soudain une idée et proposa:

  - Tu dis que l’ombre du mûrier est à toi... Soit! Eh bien, je te l’achète pour deux pièces d’argent!

   

 Le propriétaire n’en croyait pas ses oreilles. Vendre l’ombre de son mûrier, quelle bonne affaire!

  - J’accepte, s’écria-t-il aussitôt avec un grand sourire.

 L’affaire fut donc conclue devant le juge du village. Pour deux pièces d’argent, Luoying devint propriétaire de l’ombre.

 Dès lors, chaque matin, Luoying vint s’installer sur le talus. A midi, l’ombre du mûrier s’étalait dans la cour de la maison et il y venait s’y mettre au frais avec en main le caillou. L’après-midi, elle entrait dans la cuisine et il allait s’asseoir à table en y posant le caillou dessus. Le soir enfin, l’ombre pénétrait dans le salon, et avec elle le brave Luoying s’allongeait sur le tapis en déposant le caillou sur un des nombreux coussins disposés dans la pièce. Il y invitait même parfois des amis qui venaient discuter et plaisanter avec lui.

 Ce petit manège dura quelques jours, jusqu’au moment où le riche bourgeois laissa éclater sa colère:

  - Qui te permet d’aller et venir ainsi à ta guise dans ma maison? Gronda-t-il. Ça suffit maintenant! Sors d’ici, et que ça saute!

 Luoying, confortablement installé dans la salle à manger, ne bougea pas d’un pouce et répondit avec un petit sourire tout en s’amusant avec le caillou:

  - Ne m’as tu pas vendu l’ombre de ton mûrier? Personne ne m’empêchera de me reposer là où elle se trouve.

  - Allons voir le juge! S’écria le propriétaire. Il saura bien me donner raison.

 Ils allèrent donc chez le juge. Le bourgeois lui exposa les motifs de sa colère, mais celui-ci déclara:

  - Tu as cru faire une bonne affaire en vendant de l’ombre pour deux pièces d’argent. Maintenant, Luoying est chez lui partout où elle se trouve. Je ne peux rien pour toi.

 Luoying continua donc à passer ses journées dans la maison du riche bourgeois? Ce dernier aurait fini par s’habituer à cette cohabitation mais, un jour qu’il recevait ses amis, Luoying entra dans la salon et s’allongea sur le tapis sans se soucier de la compagnie. Installant le caillou sur le bord d’une fenêtre, il se mit à siffloté.

 Comme les invités s’étonnaient de voir ici ce pauvre diable, le propriétaire fut bien obligé de leur expliquer comment il lui avait vendu l’ombre de son mûrier. Les invités éclatèrent de rire et, aussitôt rentrés chez eux,ils s’empressèrent de raconter l’histoire à tout le monde.

 Le riche bourgeois devint la risée du village. Il ne pouvait plus faire un pas dehors sans entendre:

  - Voilà le sot qui a vendu l’ombre de son mûrier!

 Au bout de quelques semaines, n’y tenant plus, il dit à Luoying:

  - Tu as gagné! Je pars vivre ailleurs... Je te laisse ma maison.

 Et c’est ainsi que Luoying se retrouva propriétaire d’une belle demeure pour la modique somme de deux pièces d’argent. Quand au caillou celui-ci devint le trésor familiale de la maisonnée et pu prospérer durant des décennies.

Du Vangr Gata

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